La Conférence des évêques de France (CEF) va ouvrir sans délai, et sans attendre les 75 ans habituels, ses archives aux chercheurs, notamment à ceux mandatés par Emmaüs pour enquêter sur son cofondateur l’abbé Pierre, icône de la lutte contre le mal-logement, déchue après des révélations d’agressions sexuelles.
« Cette durée est usuellement de minimum 75 ans après la mort du prêtre ou du religieux, selon le règlement des archives de la CEF », a indiqué l’institution dans un communiqué jeudi. La décision concerne les archives de l’Eglise de France, distinctes de celles des diocèses.
Longtemps personnalité préférée des Français, l’homme d’Eglise est depuis juillet visé par des accusations de violences sexuelles portant sur des faits pouvant pour certains s’apparenter à des viols ou concernant des mineures, allant des années 1950 aux années 2000, la plupart du temps en France mais également aux Etats-Unis, au Maroc ou encore en Suisse.
Concernant Henri Grouès, l’abbé Pierre, défenseur inlassable des sans-abri et des mal-logés, les archives contiennent « un dossier assez mince » avec « quelques lettres » qui montrent que le Bureau central des cardinaux de l’époque « a pris connaissance du comportement » du prêtre, a déclaré Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la CEF sur RCF et radio Notre-Dame.
« Il y a un élément sur le fait qu’il est parti en Suisse » dans les années 50, mais sans « aucun détail sur ce qui s’y passe », et « c’est à peu près tout », a ajouté le responsable de la CEF.
Quant au degré de connaissance au sein de l’Eglise de ces agissements, Mgr de Moulins-Beaufort s’est redit « incapable de dire » qui savait quoi. « Quelques évêques ont su, certainement, un certain nombre de faits, mais exactement lesquels? Il faudra une enquête historique pour le dire et j’encourage vivement l’enquête qu’Emmaüs vient d’ouvrir », a-t-il ajouté.
Après la révélation le 6 septembre de nouveaux témoignages de femmes accusant l’abbé Pierre d’agressions sexuelles, Emmaüs qui regroupe des associations et structures de solidarité présentes dans une quarantaine de pays, a annoncé une commission indépendante chargée « d’expliquer les dysfonctionnements » qui lui ont permis « d’agir comme il l’a fait pendant plus de 50 ans ».
Mgr de Moulins-Beaufort a rappelé que l’abbé Pierre « n’a pas vécu dans un cadre ecclésial, il a vécu avec Emmaüs » et « c’est de ce côté-là qu’il y a des archives. C’est par là surtout qu’il faut essayer de comprendre ».
« Dans les années 50, quand ce comportement commence à être connu, il inquiète beaucoup et l’Eglise essaie de l’aider en lui imposant un séjour psychiatrique en Suisse » et un compagnon. « Apparemment, l’abbé Pierre a toujours réussi a contourner cela. Mais je ne dirais pas que l’Eglise n’a rien fait », a-t-il affirmé.
La fondation Abbé Pierre va changer d’appellation et fermer définitivement le lieu de mémoire consacré à l’homme d’Eglise dans le nord-ouest du pays, à Esteville, tandis que de nombreuses villes françaises vont débaptiser les lieux qui portent son nom.
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