C’est pour contribuer à “redessiner les contours de la mémoire collective” que le Service interministériel des Archives de France du ministère de la Culture avait lancé pour la première fois une Grande Collecte en 2013, pour le centenaire de la Première Guerre mondiale.
Et depuis juin 2023, une nouvelle opération nationale et participative porte sur le sport, sous toutes ses coutures, à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Labellisée Olympiade Culturelle, elle est menée en partenariat avec le Comité national olympique et sportif français et soutenue par l’ Académie nationale olympique française.
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Cette Grande Collecte a pour ambition de faire sortir de l’oubli tous les documents « qui permettront aux historiennes et historiens de montrer l’importance du phénomène sportif en France ». Les chercheurs ne disposent en effet aujourd’hui que de très peu de sources ou de matières pour travailler sur le sport, sur l’histoire des femmes et du sport ou encore sur l’histoire du rapport au corps.
“Pour renouveler la vision de l’histoire du sport en France” : Emmanuel Laurentin, ambassadeur de la Grande Collecte, France Culture, 17 avril 2024.
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Plus de 180 services d’archives, partout sur le territoire, sont mobilisés pour recueillir des documents écrits, lettres, affiches, photographies, films, cartes postales et dessins… tous les fonds apportés par les donateurs. Avec une dimension olympique au long cours, cent ans après les Jeux de 1924 à Paris.
« On voit que le sport est vraiment une affaire locale »
“C’est une opération nationale qui concerne tous les sports, traditionnels comme le rugby dans le Gers, plus originaux comme le motoball dans le Calvados ou plus récents comme la nage synchronisée, avec le don des archives du club dans lequel s’est entraînée Muriel Hermine en Indre-et-Loire » : Brigitte Guigueno, chargée de la Grande Collecte au Service interministériel des archives de France, ajoute qu’elle touche « tout le monde. Qu’on soit sportif amateur ou professionnel, qu’on soit dans un club, qu’on soit entraîneur, supporter ou journaliste, qu’on soit fabriquant de matériel ou commerçant de sport, tout le monde peut être concerné.«
L’objectif est d’obtenir “un reflet à 360°” de ce que représente le sport dans toute la société, qu’il “imprègne au niveau économique, politique, au niveau de la mode. Le sport est présent dans les paysages, avec les infrastructures, stades et piscines.”
“C’est un sujet qui concerne tous les Français” : Brigitte Guigueno, chargée de la Grande Collecte des archives du sport
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Un programme de recherche lié à la Grande Collecte a été entrepris dans le même temps, avec des sociologues de l’université de Nanterre, en vue de « comprendre les motivations des donateurs et de connaître leur rapport à la mémoire au sport qui, on le voit déjà, est vraiment une affaire locale », précise Brigitte Guigueno :
« Pour la Grande Collecte de 14-18, on se rend compte qu’un poilu de Marseille ou de Lille a vécu les mêmes choses dans les tranchées. C’est une histoire nationale. Tandis que pour le sport, les fonds d’archives racontent des histoires locales, des histoires de personnes, des histoires de sports qui s’ancrent vraiment dans les territoires. Nous sommes donc dans un phénomène inverse, avec cette somme d’histoires locales entrant évidemment dans l’histoire globale, dans l’histoire nationale. »
Les donateurs souhaitent souvent confier leurs documents pour qu’ils soient bien conservés et mis à disposition du public. Mais il s’agit aussi de “transmettre, de laisser trace. Dans les Landes par exemple, il y a un club d’échassiers parmi les donateurs. Et on voit bien leur souhait de mettre en lumière cette pratique méconnue et très locale. L’idée est aussi de voir quel est le rapport des Français à leur petite patrie qui est leur club, leur commune, leur département. C’est une grande diversité que l’on peut constater dans les territoires, en métropole et dans les territoires ultramarins. Et c’est cela qui va être reflété au plus près, nous l’espérons, par la Grande Collecte. »
La dimension olympique est aussi bien présente au sein de cette Grande Collecte, avec notamment le dépôt du fonds du Racing Club de France aux Archives départementales des Hauts-de-Seine. Selon Brigitte Guigueno, ce fonds rappelle que “le Racing Club a participé à la construction du stade Yves-du-Manoir à Colombes, pour les JO de Paris en 1924.”
L’Info culturelle : reportages, enquêtes, analyses
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« Un document remarquable, dans les négociations pour les JO de 1924 »
“Le fonds du Racing Club de France contribue à raconter l’histoire des JO de 1924, puisque c’est un club qui a eu une importance majeure dans leur organisation, avec le développement d’un stade olympique“ : Pierre Chancerel, le directeur des Archives départementales des Hauts-de-Seine, rappelle que le stade Yves-du-Manoir a été la principale enceinte des Jeux de Paris : « Ces Jeux qui se sont déroulés en grande partie à Colombes dans ce stade, aussi bien pour la cérémonie d’ouverture que pour un certain nombre d’épreuves, en particulier l’athlétisme et les sports collectifs. »
Plusieurs documents issus du fond du Racing Club de France sont déjà montrés au public, dans le cadre de l’exposition “Au stade !” aux Archives des Hauts-de-Seine. L’un d’entre eux, décrit par Pierre Chancerel, permet de raconter l’histoire de l’organisation de ces JO de 1924 :
“Il s’agit d’une lettre dactylographiée du 16 septembre 1922. Elle est envoyée par le Comité olympique français au Racing Club de France. C’est un document remarquable puisqu’il s’inscrit dans le cadre des négociations pour ces JO de Paris 1924 qui auront lieu en réalité à Colombes. Le document explique que le Racing Club de France s’est déjà engagé à financer un stade de dimension olympique. Et le Comité olympique français lui demande en plus de construire, toujours à Colombes, un stade nautique pour 3 000 personnes et un stade de tennis pour 10 000 personnes.”
”C’est un fonds majeur au niveau national et aussi à l’échelle de notre territoire » : Pierre Chancerel, directeur des Archives des Hauts-de-Seine
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Ce document indique que les négociations ne sont donc pas terminées, quelques mois seulement avant le début des JO. Cela montre “le caractère improvisé de cette organisation et aussi un jeu d’acteurs”, selon Pierre Chancerel :
“Il y a un jeu d’acteurs entre les grandes institutions sportives française à l’époque, le Comité national des sports, le Comité olympique français et le Racing Club de France. Et ce qui est encore plus intéressant, c’est que ce document est signé par le secrétaire général du Comité olympique français, Frantz Reichel. C’est vraiment lui qui organise les JO et en même temps, c’est un membre du Racing club de France !”
Ce qui pourrait être considéré aujourd’hui comme un conflit d’intérêts. Mais comme le souligne le directeur des Archives des Hauts-de-Seine : “À l’époque, il y avait vraiment une urgence. Il faut bien imaginer que moins de deux ans avant le début des compétitions, non seulement il n’existe pas de stade, mais on ne sait même pas où vont se dérouler les épreuves. Il y a c’est sûr alors une interpénétration entre toutes ces organisations. Un conflit d’intérêts peut-être, mais c’est sans doute cela qui a permis d’être dans les temps et de pouvoir accueillir correctement les JO de 1924 et d’en faire un succès.”
Et ce document mis en relation avec d’autres documents du fonds d’archives qui comprend l’ensemble des procès-verbaux des différentes réunions internes au Racing club de France, permet de « retracer l’ensemble des négociations, avec toutes les correspondances. Ce document est une étape dans ces négociations qui vont aboutir à la convention signée avec le Comité olympique français. Cette convention, elle figure aussi dans les archives du Racing club de France et elle montre toute la place qu’occupe ce club dans l’organisation des Jeux olympiques. »
Des performances de breaking accompagnent la 20e Nuit européenne des musées le 18 mai 2024 à Colombes, épicentre des JO de 1924 : reportage de Benoît Grossin
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« C’est la seule photo où on se voit, trois champions, tous réunis »
Une famille de champions fait partie des donateurs. En Ardèche, le kayakiste Claude Peschier a décidé de confier tous les documents qu’il conserve depuis des décennies aux Archives départementales : articles de presse, affiches, photographies et films.
Claude Peschier, champion du monde en 1969, a transmis le flambeau à ses deux fils, Benoît et Nicolas, plusieurs fois médaillés et qui se sont tous deux distingués notamment aux Jeux olympiques en 2004. Un cliché “très important, qui a une très grande valeur” pour la famille, décrit par Claude Peschier, fait partie du fonds transmis dans le cadre de la Grande Collecte :
“C’est une photo prise par des amis aux JO d’Athènes, juste après les cérémonies protocolaires, à la marina. C’est une photo argentique, une vraie photo que l’on verse aux Archives départementales. On nous voit encore mouillés. C’est une tradition, nous sommes passés dans l’eau, puisque les résultats avaient été exceptionnels pour la Fédération française de canoë-kayak. Tony Estanguet avait été champion olympique, après sa médaille d’or aux Jeux de Sydney en 2000. Benoît était le premier kayakiste français à décrocher la médaille d’or en slalom. Fabien Lefèvre avait aussi fait troisième, soit trois médailles pour le staff français ! Benoît est au centre de la photo, avec sa médaille d’or et à sa droite Nicolas, le canoéiste. Je suis près de Benoît et à côté, il y a mon épouse Mireille. Toute la famille est réunie. Et c’est la seule photo où on se voit, trois champions, tous réunis. Moi, champion du monde bien longtemps avant en 1969 à Bourg-Saint-Maurice. Benoît, champion olympique et Nicolas, demi-finaliste en 2004.«
“Les sportifs n’ont pas l’habitude de verser leurs archives” : Claude Peschier
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Claude Peschier vit à Vallon-Pont-d’Arc, haut lieu du canoë-Kayak. Et l’ensemble des documents qu’ils confient aux Archives d’Ardèche couvrent une longue période :
“Des années 1950 à aujourd’hui. Il y a nos archives familiales et celles du club Vallon plein air qui a eu un certain nombre de champions, depuis sa création il y a soixante ans. Et puis il y a les archives aussi du Marathon international des Gorges de l’Ardèche qui réunit un plateau de sportifs exceptionnels dans cette descente magnifique. J’avais donc tout cela à la maison. Et je suis très heureux qu’on ait pu faire ce don aux Archives départementales. Il y a beaucoup d’articles de presse, des originaux, beaucoup de vidéos et même des films anciens, des films 16 mm, des posters… cela nous rassure que tout soit maintenant en bonne place.”
« Après les JO, début septembre 2004, Benoît et Nicolas, en arrivant à la mairie de Vallon-Pont-d’Arc ont été accueillis par une foule énorme » : Claude Peschier
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Et c’est bien une histoire locale que défend l’ancien champion du monde : « Il y a un ancrage maintenant très, très important du canoë-kayak grâce à un comité départemental très actif. Et c’est une culture à transmettre et à valoriser. Dans les années 1950, les personnes qui venaient descendre les Gorges étaient surtout des touristes étrangers, pas les jeunes de ma génération. Et en soixante-dix ans, il y a eu une évolution extraordinaire. Les gens du pays se sont mis à faire de la compétition mais aussi à faire de l’encadrement. C’est devenu pour les Ardéchois, les Ardéchois du sud en particulier, le sport phare. Le canoë-kayak fait partie du paysage local, comme cela peut être le cas pour la voile sur le littoral. C’est vraiment le canoë-kayak qui conditionne un petit peu tout dans le département de l’Ardèche.”
« Elle raconte sa perception de l’évolution du parasport »
La Grande collecte des archives du sport, lancée à l’occasion des Jeux de Paris 2024, permet de mettre en lumière des documents liés à tous les rendez-vous olympiques et paralympiques, depuis 1924, affirme Juliette Hayette, chargé de mission de la Grande Collecte : “Vraiment toutes les olympiades sont concernées, en France et à l’étranger. Que ce soit celle de Melbourne, celle d’Helsinki, d’Atlanta ou d’Anvers… toute contribution est ainsi bonne à prendre pour faire cette histoire nationale et internationale”.
Archive sonore : Marie-Amélie Le Fur estime que les Jeux de Londres en 2012 ont constitué un tournant pour les parasportifs et l’inclusion par le sport.
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Juliette Hayette y a elle-même participé concrètement, en créant une archive sonore, un entretien enregistré avec Marie-Amélie Le Fur, multiple championne paralympique en athlétisme et actuelle présidente du Comité paralympique et sportif français :
“Cette archive sonore a été conçue dans le cadre d’une action pédagogique à destination des scolaires. C’est un entretien d’une vingtaine de minutes. Marie-Amélie Le Fur raconte son histoire, sa place en tant que femme dans ce milieu. Elle raconte tout son parcours en tant que championne paralympique, son parcours en tant qu’athlète de haut niveau, mais également sa perception de l’évolution du parasport, depuis qu’elle a commencé à le pratiquer jusqu’à nos jours. Que ce soit sur la question de la visibilité des athlètes parasportifs ou de la pratique au sein des clubs et des fédérations. Elle raconte notamment dans cet entretien sa prise de fonction en tant que présidente du Comité paralympique et sportif français, pourquoi elle a fait ce choix de carrière à la suite de ses performances sportives. Ce changement de fonction représente pour elle une opportunité de présenter un programme vis-à-vis des jeunes en situation de handicap qui ne peuvent pratiquer leur activité sportive. Elle raconte les difficultés auxquels ils doivent faire face, notamment au niveau des subventions et des infrastructures et quel premier pas il faut faire. Dans cette archive sonore, elle présente ses désirs, ses espoirs. Elle fait passer un message pour ces jeunes sur l’avenir, sur les améliorations qui peuvent être faites pour la pratique du parasport.”
L’Info culturelle : reportages, enquêtes, analyses
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